« Les nouveaux paysans de la libéralisation »: l’exemple du riz à l’Office du Niger au Mali
2002
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Au Mali, depuis très longtemps, quand on pensait riz, on pensait Office du Niger, ce célèbre complexe rizicole créé en 1932 pendant la colonisation par un illuminé, Emile Bélime.
Show more [+] Less [-]LES NOUVEAUX PAYSANS DE LA LIBÉRALISATION : L’EXEMPLE DU RIZ AU MALICHAPEAU : Au Mali, depuis très longtemps, quand on pensait riz, on pensait Office du Niger, ce célèbre complexe rizicole créé en 1932 pendant la colonisation par un illuminé, Emile Bélime. Omniprésent pendant plus d’un demi-siècle, l’Office du Niger a perdu de sa superbe et les choses ont bien changé : privé de ses prérogatives, de son patrimoine et d’une bonne partie de son personnel, l’Office du Niger a dû, comme beaucoup d’autres secteurs, se soumettre à la libéralisation de l’économie. Un reportage réalisé à Ségou par Filifing Diakité. DURÉE DE LA BANDE : 7’33Studio Avec l’avènement de la libéralisation, le fonctionnement de la filière Riz a subi d’énormes transformations et elle s’est ouverte à de nouveaux venus, notamment de nombreux fonctionnaires déflatés qui se sont installés dans la boucle du Niger et ont commencé à cultiver. Mais la réussite de ces “nouveaux paysans de la libéralisation” comme on les appelle, est mitigée et ils entrent souvent en conflit avec les anciens paysans établis, ceux qu’on appellent traditionnellement, les “colons”. Pourtant pour Yaya Diarra, représentant de l’Office du Niger, il y a de la place pour tout le monde :Diarra A cette date, 7% du potentiel aménagé, soit environ 70 mille hectares, ça c’est les petits paysans entre guillemets qui occupent ces surfaces là et là où les grands privés sont en train d’être admis, c’est sur des parties qui ne sont pas aménagées, où l’état n’a pas fait d’interventions d’abord donc c’est sur leurs fonds propres qu’ils sont en train d’intervenir et ce n’est pas un retrait systématique des parcelles aménagées par l’état pour le compte de ces producteurs. Donc il n’y a pas de risque de menaces par rapport à ça, ça c’est clair et là il faudrait que tout le monde, l’opinion soit d’accord avec ça, qu’il n’y a pas un risque pour dés approprier ces exploitations familiales de là où ils sont en train d’exploiter actuellement.Diakité Est ce que on préfère les nationaux aux étrangers parce que certains pensent que les étrangers …pour la plupart les pays dont proviennent nos partenaires, pourraient venir s’installer… : De grands agriculteurs des pays développés pourraient venir acheter des parcelles, s’installer …alors est ce que il est prévu des mesures de préférence des nationaux aux étrangers ? Diarra Ça c’est une très bonne question et c’est une question d’actualité. En fait l’Office du Niger, l’état, le gouvernement malien a des textes législatifs en la matière pour le mode de tenure des terres en zone Office du Niger. Bon pour ces privés, qu’ils soient nationaux ou étrangers, qui désirent s’installer en zone Office du Niger, doivent respecter des conditions qui permettent à tous les investisseurs de venir investir en zone Office du Niger. Donc tant que le promoteur respecte le cahier des charges et est convenu d’accord-partie et la propriété est établie, donc il n’est pas dit que il y a une préférence entre les nationaux et les étrangers donc tout le monde a accès à la terre en zone Office du Niger dans les mêmes conditions. Diakité L‘état se désengage de plus en plus et l’on constate que l’Office n’a plus les moyens d’antan et les moyens diminuent d’année en année, est ce que ce n’est pas une fuite des responsabilités de l’état qui finalement abandonne des paysans sans mesures d’accompagnement suffisantes ? Diarra Oui, je pense que l’état a conscience de cette situation, c’est pourquoi déjà les réflexions sont en cours pour déjà mettre à l’abri les producteurs, que j’appelle les exploitations familiales …donc l’état a mission de protéger les producteurs. Studio Ambroise Dembélé est informaticien de son état et croyant profiter des nouvelles conditions ouvertes par la libéralisation de la filière, il est devenu un de ces nouveaux paysans mais il a eu de nombreux déboires : Dembélé Tout cadre qui vient dans la région de Ségou, son premier désir c’est d’avoir un lopin de terre dans la zone Office pour faire un peu de riziculture parce que c’est quelque chose … on nous a toujours fait miroiter ça comme quoi on peut se faire facilement des sous là dedans et donc tout jeune cadre qui vient, la première initiative qu’il a à faire, c’est d’essayer d’avoir un lopin de terre au niveau de la zone et d’essayer de se lancer dans cette activité là. Donc j’ai fait comme les autres : j’ai d’abord commence à quelques kilomètres de Macina, il y a un patelin là bas, j’ai commencé là bas et donc ça a mal tourné et je suis revenu dans la zone de Kankan, j’ai fait deux saisons là bas …Là aussi ça n’a pas répondu à mes attentes et cette année, j’ai été obligé de surseoir. Donc cette année je n’ai rien fait Diakité Est ce que vous pouvez nous expliquer un peu, nous parler des raisons de votre découragement ? Dembélé Bon les raisons, elles sont multiples. D’abord étant à Ségou et ayant d’autres activités professionnelles à faire, donc je ne peux pas être présent tout le temps sur le terrain. Donc je suis obligé maintenant de solliciter les services des tierces qui demeurent dans la zone et puis également de prendre des manœuvres et c’est là où se trouve tout le problème. Diakité Mais est ce que ce n’est pas parce que vous n’aviez pas analysé tous ces paramètres avant de vous lancer ? Dembélé Effectivement vous avez parfaitement raison parce que ici tout jeune cadre qui arrive pour la première fois à Ségou, on vous parle tellement de cette histoire de riziculture, on vous miroite ça, pour vous c’est vraiment l’aubaine pour vous en sortir rapidement, vous voyez …donc, sans analyser tous ces facteurs, vous vous lancez là dedans et c’est quand vous êtes là dedans maintenant que vous vous rendez compte que c’est pratiquement un piège…parce que les paysans qui sont sur place, ils nous voient d’un mauvais œil, nous les fonctionnaires , aller et nous établir parmi eux. Parce que leur mentalité c’est quoi ? Vous vous êtes déjà fonctionnaires, vous touchez un salaire mensuel et avec tout ça encore, vous voulez aller vous lancer dans la riziculture, donc pour faire de l’extra , vous voyez ….Et donc là ça les dérange énormément . Ils vous le dirons pas en face mais il y a ce sentiment d’égoïsme voilà qui est là …Ils se dit « toi tu es déjà fonctionnaire, que tu travailles ou pas, parce que c’est la mentalité, que tu travailles ou pas, tu as ton salaire à la fin du mois. Tu laisses tout ça et après tu viens encore te lancer dans la riziculture donc pour t’enrichir d’une façon extravagante. Donc vous voyez avec cette mentalité qu’ils ont, ils font tout pour vous jeter des bâtons dans les roues. Studio Mais parmi tous ces nouveaux paysans, il y en a de plus chanceux comme par exemple Mamadou Touré qui lui aussi, s'est lancé a partir de rien dans la culture de riz et pour qui, malgré de grosses difficultés, la libéralisation est une aubaine : Touré Quand on va pour une première fois, tu penses que tu as les moyens, tu vas t’en sortir, n’est ce pas …Et le problème c’est quoi ? C’est à dire que la réalité du terrain est réellement différente. Comme je te l’ai dit souvent, tu te fais un peu arnaquer par les résidents là ! … Donc quelqu’un qui veut réellement s’installer, qu’il prenne réellement conseil, pas seulement avec les résidents mais aussi les non-résidents et là peut être il peut l’approcher et lui dire …. D’abord réellement il faut que la personne prenne conseil auprès de ceux qui ne résident pas parce que, je te dis, les services d’encadrement officiels, là réellement on ne les voit pas …on ne voit pas. Par exemple l’Office, ils ont une division paysanne mais réellement sur le terrain tu les vois pas… ça on les voit pas. Bon peut être que si eux ils étaient présents, là ça pourrait éviter certains déboires d’un nouveau venu, ça il y a pas de problèmes ….Bon et puis il y a certains facteurs aussi qui jouent parce que les terres de l’Office, c’est des terres qui ont été aménagées il y a un peu longtemps, n’est ce pas …Donc quelqu’un qu’on te met dans une parcelle avec des élévations, des bosses, tu as vu …réellement c’est pas facile ….C’est pas facile parce que pour réellement réussir dans un champ de l’Office, en tous cas dans la zone où je suis, il faut peut être dompter ton champ pendant au moins 2 ou 3 ans parce que là il faut procéder toi même au nivellement, ainsi de suite là … donc c’est au bout de 2 ou 3 ans que réellement ton champ tu peux dire que c’est presque ….c’est des trucs comme ça, tu as vu ..sinon c’est très difficile que du tic au tac, c’est à dire du premier coup que tu t’en sors, c’est un peu …. A moins que ce soit quelqu’un qui a déjà l’expérience, sinon c’est pas facile. Diakité Donc finalement, si je comprends bien, vous les nouveaux paysans, quand vous vous installez, en dehors du fait que la loi vous accorde cela, vous n’avez aucune autre protection, vous êtes laissés à vous même ? TouréEffectivement c’est ça. Studio La aussi donc le désengagement de l’état semble être interprété davantage comme une démission. Fin de la bande.
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