Libéralisation de la filière au Mali : les producteurs s’inquiètent de la main mise de la Banque Mondiale
2004
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Libéralisation de la filière au Mali : les producteurs s’inquiètent de la main mise de la Banque MondialeCHAPEAUAu terme des programmes d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales, les pays africains ne peuvent pas accorder de subventions a la filière coton, en grosse difficulté, vu l’effondrement des cours mondiaux. Il n’en ont de toutes façons pas les moyens. Mais il faut résoudre la crise et pour cela, toujours au terme de l’ajustement structurel, la Banque Mondiale préconise donc la libéralisation du secteur et le désengagement de l’état. Au Mali, la privatisation de la CMDT, la compagnie Malienne des Textiles qui contrôle toute la filière est donc inéluctable. Mais quelles en seront les conséquences ? Un reportage de Salif Sanogo et Filifing Diakité.DURÉE DE LA BANDE :6’36StudioComme dans d’autres pays, les paysans maliens sont très inquiets de ces privatisations a répétition car ils ont vu les graves conséquences, que la privatisation de la filière arachide par exemple avait eu sur leur niveau de vie et leur capacité de production. Mais le gouvernement poussé par la banque de mondiale, persiste et signe. Selon eux en effet, l’état de délabrement interne de la CMDT et les déficits budgétaires sont tels qu’il n’y a pas d’autre solution. C’est ce qu’affirmait le Premier Ministre malien, Ousmane Issoufi Maiga parlant devant les paysans de Kita.MaigaVous savez qu’en 2001-2002, pour sauver la CMDT, l’état a ajouté 22 milliards parce que pour le prix acheté, c’est d’autres qui ont payé ça. Aujourd’hui c’est seul l’état qui est en train de supporter ce fardeau là et qui nous empêche malheureusement de financer des pistes rurales, d’amener l’électricité, de faire des points d’eau parce que quand on injecte un déficit de 22 milliards, on va financer quoi encore ? Et ces 22 milliards, c’est les impôts …l’ensemble des maliens. Mais c’est parce qu’on ne veut pas perdre la CMDT que nous avons injecté cela, pour continuer à maintenir la production de coton dans notre pays.StudioQuant à eux, malgré leurs inquiétudes, les paysans n’ont d’autre choix que de faire confiance aux nouvelles orientations décidées par le gouvernement la Banque Mondiale et affirment avoir compris le caractère inéluctable de cette privatisation. Ecoutons un paysan de Kita, Diam-guima Tounkara.TounkaraPour nous la privatisation de la CMDT n’était pas notre souhait. Nous on n’était pas d’accord parce qu’il y a eu beaucoup de changements au Mali ici, les producteurs, les paysans n’ont pas vraiment bénéficié d’un intérêt important. Bon c’est pourquoi nous on a trop peur à la privatisation … En tous cas a Kita ici, il y a beaucoup de choses qui se sont passées et quand on regarde la Sonexfi et la Cepama … bon ça nous a fait beaucoup perdre, dés qu’on a dit que la CMDT aussi serait privatisée. Bon, donc voilà donc c’était notre inquiétude, Nous ce n’était pas notre souhait.SanogoAlors est-e que vous pensez que si la CMDT est privatisée aujourd’hui, vous avez de l’intérêt dedans ?TounkaraBon nous on peut rien hein ! Nous … La CMDT c’est une entreprise, ce n’est pas les paysans qui seront privatisés, ni les dabas ni les champs ! Parce que ça ne nous appartient pas. Si ça nous appartient, on irait chercher d’autres moyens que la privatisation et la Banque Mondiale de nous obliger à privatiser, ça ce n’est pas… cet argument là ne nous convient pas beaucoup mais ce qui nous convient c’est dire qu’il y a des pertes de 47 milliards et vraiment ça nous a fait perdre. Bon si c’est cela, nous on doit vraiment tous être ensemble pour empêcher des pertes comme ça. Voilà.StudioLa Banque Mondiale quant à elle s’en tient à sa logique de marché. Ecoutons Patrick Labaste, chargé du secteur Afrique de l’ouest à la section « Développement rural et environnement » de la Banque Mondiale à Washington.LabasteLe plan qui a été élaboré devait permettre de retrouver, de recréer un climat de confiance entre partenaires, avec l’opérateur du secteur coton, CMDT et les organisations de producteurs. C’est ainsi qu’il y a eu autour des plans de réforme du secteur, l’organisation des Etats Généraux du Coton en avril 2001. Il y a eu deux ou trois jours de débats ici a Bamako ou toutes les parties ont pu s’exprimer, ont fait le constat de la crise, ont fait le constat aussi, et c’est peut être là qu’on en vient a votre question sur la libéralisation, que si le modèle CMDT avait donné des résultats tout à fait intéressants et même remarquables pendant 35 ou 40 ans, jusqu’au début des années 90, il était temps de revisiter ce modèle qui n’était peut être plus adapté pour la suite du développement du secteur coton. Et ça, ça fait partie du plan de réforme et de la libéralisation, à savoir qu’il y avait une trop grande confusion entre des missions de service public qu’on rend pour l’ensemble de la collectivité, qui est un peu un rôle social et une fonction économique qui est de produire et d’exporter de la fibre de coton et qui elle doit avoir en elle des mécanismes d’adaptation parce que les prix du coton, c’est une donnée … ils fluctuent beaucoup sur le marché mondial et beaucoup de … toutes les parties avaient fait le constat si vous voulez que le seul moyen d’avoir un opérateur qui soit capable de s’ajuster, c’est un opérateur qui soit géré selon les normes du secteur privé. D’où l’agenda concernant la libéralisation du secteur. Donc séparation du rôle social du rôle purement économique qui devait évoluer vers une plus grande implication du secteur privé.DiakitéDernière chose, la privatisation de la production c’est sur 2008 maintenant et il semble que c’était un peu plus tôt, est ce que la Banque Mondiale, cela lui convient ?LabasteBon par rapport à ça, nous avons eu des discussions au niveau technique puisque le président de la Banque Mondiale a dit « Si c’est votre souhait, on va voir comment l’accommoder, on n’est pas sourd. Donc laissez mes équipes techniques discuter avec vos équipes de la manière de revoir le Plan d’Action, ça s’appelait comme ça et de revoir comment recaler les différentes échéances sur 2008. Donc c’est l’exercice auquel on se livre depuis maintenant quelques mois sans être parvenu aujourd’hui à un accord complet sur le nouveau Plan d’Action, les dates …On attend maintenant d’avoir un ensemble de propositions cohérentes qui nous permettent de dire, oui, il n’y a pas de problèmes, on est toujours d’accord sur le plan de réformes.DiakitéSi je comprends bien je termine là dessus, les paysans ont tort de penser que le gouvernement est sous le poids de la Banque Mondiale ?LabasteBen les paysans ont le droit de penser ce qu’ils veulent mais certainement souffrent-ils d’un déficit de communication et je crois qu’on en est tous responsables et c’est pour ça que je me prête très volontiers à cette interview. Encore une fois sans sortir de notre rôle qui n’est pas d’aller colporter des nouvelles partout dans les campagnes mais je pense que les gens ont le droit d’être informé sur les véritables enjeux et sur le fait que la Banque Mondiale ne va pas se mettre brutalement à vouloir tuer le secteur du coton au Mali alors qu’elle l’a soutenu pendant 40 ans !
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