Collaborations inter- et transdisciplinaires en sciences de la durabilité : quels effets sur la durabilité des territoires ? Étude de deux projets associés à la gestion des grands cours d’eau

French. Ce mémoire en sociologie de mastère spécialisé s’inscrit dans le domaine de la recherche sur les collaborations inter- et transdisciplinaires en sciences de la durabilité. Si ces collaborations semblent être plébiscitées à grande échelle, elles ne vont pas de soi car elles présentent de nombreux obstacles. Parallèlement, l’étude des effets de ces collaborations révèle différentes catégorisations des types d’effets selon l’objet auquel ils s’appliquent ou leur périmètre spatiotemporel notamment. L'analyse de la littérature sur les effets des collaborations met en évidence, entre autres, un manque de documentation des effets environnementaux. Enfin il existe également peu de travaux cherchant à étudier les influences mutuelles entre le type de problème de durabilité traité par les projets collaboratifs, la méthode scientifique ou le mode de production de connaissances et les effets induits sur les territoires. Le travail présenté vise donc à étudier les liens entre les problèmes de durabilité, les méthodes scientifiques choisies et les effets induits sur la base de deux projets collaboratifs inter- et transdisciplinaires choisis pour l’étude principalement selon un critère de contraste entre les méthodes employées. Le premier projet est un programme de suivi de long terme d’opérations de restauration hydraulique et écologique du fleuve Rhône. Il réunit un collectif de chercheurs avec des acteurs gestionnaires du fleuve et des milieux aquatiques associés tels que l’Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, la Compagnie Nationale du Rhône et des collectivités locales. Le second projet, nommé SPARE (Strategic Planning for Alpine River Ecosystems), a donné lieu à une phase participative de préparation de la révision du SAGE de la rivière Drôme. Le Syndicat Mixte de la Rivière Drôme (SMRD), porteur du projet, a donc été accompagné par des chercheurs d’IRSTEA pour impliquer des citoyens volontaires du bassin-versant de la Drôme afin d’établir un état des lieux et des propositions d’actions qui servent de documents de base au travail de la Commission Locale de l’Eau pour réviser le SAGE. L’approche mobilisée durant ce stage pour étudier ces projets s’est basée sur une enquête qualitative. Quatorze entretiens semi-directifs (par visioconférence ou téléphone) ont été menés auprès de chercheurs et d’acteurs non-académiques impliqués dans les deux projets collaboratifs. L’analyse de ces entretiens, appuyée par une enquête bibliographique, s’est faite selon le cadre de la théorie ancrée. L’analyse met en évidence des contrastes entre les problèmes de durabilité en jeu, les méthodes scientifiques employées et les effets induits sur les territoires. Concernant le projet SPARE, l’enjeu environnemental n’était pas très marqué contrairement au programme RhônEco qui émane de préoccupations environnementales fortes concernant la dégradation du fonctionnement de l’hydrosystème fluvial dû aux multiples aménagements. Dans les deux cas, les méthodes employées correspondent à des hybridations de formes distinctes d’expérimentation et de modélisation. Les partenaires du programme RhônEco expérimentent différentes techniques de restauration hydraulique et écologique du fleuve ainsi que des méthodes de suivi pour plusieurs compartiments (dynamique hydrosédimentaire, macro invertébrés benthiques et végétation aquatique). Ils expérimentent également une démarche de prédiction en associant à ces suivis des modélisations prédictives pour prédire les effets des opérations et guider les choix de restauration. Le projet SPARE, quant à lui, visait à expérimenter des outils participatifs dédiés aux différentes étapes d’un processus participatif pour la gestion de l’eau. Finalement le travail démontre que le type de problème de durabilité ne conditionne pas forcément le choix de la méthode dans la démarche de projet des acteurs (SPARE). Il montre également que les méthodes et les collaborations s’influencent mutuellement. Du point de vue des effets, RhônEco a produit des effets directs et indirects sur l’environnement mais également des effets sociaux sur les territoires. La méthode employée dans le programme, à travers des collaborations entre chercheurs et partenaires non-académiques plus ou moins étroites, se sont traduits entre autres par un renforcement de l’agentivité des acteurs de terrain. Le projet SPARE, quant à lui, a surtout produit, à ce stade, des effets sociaux liés à des changements institutionnels associés à la gouvernance de la gestion de la rivière Drôme. Adjoints à la méthode mise en œuvre, les changements ont principalement trait à la perception des acteurs de la rivière et notamment la perception des acteurs les uns envers les autres. Le caractère avant tout social des effets observés pour le projet SPARE peut être mis en regard avec le fait que le problème abordé initialement par le projet n’était pas caractérisé par un enjeu environnemental marqué, par opposition au programme RhônEco.