Que nous apprennent les profils alimentaires sur la transition nutritionnelle aux Antilles françaises ?

Francés. Introduction et But de l’étudeLa transition nutritionnelle est un phénomène mondial caractérisé par de profonds changements dans les habitudes alimentaires et associé à d'importantes transitions démographiques, socio-économiques et épidémiologique au sein d’une population. Malgré l'urgence de santé publique concernant les prévalences croissantes d'obésité et de maladies chroniques dans les Caraïbes, très peu d'études y ont caractérisé la transition nutritionnelle, notamment à partir de l’étude des profils alimentaires. L’objectif de cette étude était d’identifier les profils alimentaires dans les Antilles françaises et leurs associations avec l’état de santé et les caractéristiques sociodémographiques et économiques.Matériel et MéthodesCette étude transversale inclut 1144 adultes issus de Kannari, enquête à visée représentative de la population générale résidant en Guadeloupe et Martinique. Les profils alimentaires ont été identifiés par une analyse en composantes principales suivi d’une analyse en clusters. Les associations avec les indicateurs de santé, la qualité de l’alimentation mesurée par le Diet Quality Index-International (DQI-I) et les caractéristiques sociodémographiques et économiques ont été évaluées par des régressions multivariables.Résultats et Analyse statistiqueQuatre profils alimentaires ont été identifiés : (1) un profil « sain », caractérisé par des consommations élevées de fruits, légumes, légumineuses, fruits de mers et yaourts et des consommations faibles de produits gras et sucrés et boissons sucrées, se traduisant par un DQI-I élevé. Ce profil est principalement adopté par des individus ayant un niveau d’étude élevé; (2) un profil « traditionnel », avec des consommations élevées de fruits, légumes, tubercules locaux et poissons, des consommations faibles de viandes rouges, charcuteries, boissons sucrées, snacks et produits de fast-food et dont la majorité des plats consommés est des spécialités Antillaises, possède un DQI-I élevé. Il est majoritairement adopté par des femmes, des individus âgés, et des personnes obèses; (3) un profil « moderne » avec des consommations élevées de boissons sucrées, snacks et produits de fast-food, des consommations faibles de fruits, légumes et produits de la mer, se traduisant par un DQI-I faible. Il est adopté principalement par des individus jeunes; (4) un profil « en transition » avec des consommations élevées de pains, charcuteries, sauces et boissons alcoolisées et sucrées mais aussi des consommations élevées en tubercules locaux, légumineuses, poissons et de faibles consommations de biscuits et gâteaux. Il est adopté principalement par des hommes, d’âge moyen, ouvriers ou travailleurs indépendants et avec une prévalence de syndrome métabolique de 35 %.ConclusionLa coexistence de ces profils alimentaires diversifiés, très marqués par un effet générationnel, semble refléter différentes étapes du changement de régime alimentaire décrit par Popkin et al. (2006), suggérant, aux Antilles françaises, une transition nutritionnelle à un stade avancé mais toujours en cours. Ces résultats fournissent des informations utiles pour les actions de santé publique afin de cibler les groupes de population présentant un risque nutritionnel plus élevé.