Enjeux migratoires et développement

Vu de loin, le peuplement des savanes d'Afrique centrale semble dominé par des paysanneries enracinées relativement denses. Celles-ci s'opposent aux vides sahélo-sahariens et aux déserts humains forestiers, où la forte mobilité des populations répond à l'hostilité du milieu. Or, ces savanes constituent au contraire, depuis des siècles, un carrefour intensément parcouru, entre Afrique sahélienne et Afrique forestière, Afrique orientale et Afrique occidentale. Au cours du XXème siècle, les causes de migration ne changent guère, au croisement de logiques malthusiennes et de facteurs politiques. Cependant, leur contexte géographique a profondément évolué. Alors que le tracé des frontières crée des démarcations inédites, la croissance des villes induit de nouvelles polarisations, qui n'absorbent qu'en partie la vigoureuse croissance démographique. Les sécheresses sahéliennes et la saturation foncière dans certains espaces soudaniens confèrent désormais une forte attractivité à certaines zones traditionnellement peu peuplées des savanes d'Afrique centrale, qui offrent des possibilités d'intensification agricole par le contrôle de l'eau (Cameroun, Tchad). Ailleurs, au contraire, en l'absence de développement économique, des espaces ruraux peu denses se vident vers les villes (RCA). Quoi qu'il en soit, dans des États en mal de stabilité, où des pouvoirs locaux émergents sont appelés à fournir de nouveaux cadres aux efforts de développement, ces migrations constituent des enjeux politiques considérables, à toutes les échelles. On peut se demander dans quelle mesure les migrations rurales peuvent apparaître comme des opportunités de brassage social, susceptibles d'atténuer les clivages ethniques et de favoriser l'émergence progressive d'États-nations dans cet espace fragile du centre du continent, ou au contraire si elles ne risquent pas seulement d'attiser ces violences latentes. (Résumé d'auteur)