La recherche translationnelle constitue une nouvelle manière de considérer la recherche biomédicale, par essence destinée à apporter un bénéfice à la population en général ou aux patients. Elle a pour but d’établir un continuum entre la recherche cognitive, orientée vers la compréhension et la connaissance des systèmes biologiques, et la recherche clinique dont le domaine est la santé de l’être humain. La recherche translationnelle doit être envisagée dans les deux sens : 1) de la découverte en laboratoire à son application chez l’homme sain ou le patient ; 2) de l’observation médicale qui identifie une question clinique vers la recherche cognitive qui doit répondre à cette interrogation. Un troisième aspect de la recherche translationnelle est l’« ingénierie inverse ». Celle-ci consiste en l’élaboration d’un produit industriel à partir d’une découverte de laboratoire confirmée par des études cliniques. Ce faut de larges emprunts à une mise au point récente (Cano N, 2013) 1. Introduction, définitions. La nutrition est la discipline scientifique dont l’objet est l’étude des relations entre les nutriments et l’organisme, tant dans leurs aspects physiologiques et biochimiques, depuis l’absorption intestinale jusqu’au métabolisme cellulaire, que dans leurs aspects comportementaux et épidémiologiques. La recherche médicale et particulièrement la recherche en nutrition comprend, de manière schématique, la recherche cognitive ou fondamentale, ou encore plus proprement dite recherche expérimentale, et la recherche clinique. La recherche cognitive se déroule en laboratoire, elle vise à mieux comprendre les mécanismes physiologiques et biologiques qui régissent le fonctionnement du corps humain, ainsi que les besoins nutritionnels et le métabolisme des nutriments. A l’aide de modèles expérimentaux spécifiques, elle permet également d’analyser les effets sur l’organisme des maladies, des carences et des surcharges nutritionnelles ainsi que le mécanisme d’action des thérapeutiques et particulièrement des apports nutritionnels quelle que soit leur voie d’administration ou leur nature. Ces nutriments incluent les macronutriments, glucides lipides et protéines, les micronutriments sous le terme desquels on désigne les vitamines et éléments traces, et les nutriments dits « non énergétiques » qui ne sont pas compris dans les classes précédentes mais qui ont des effets physiologiques. Certaines molécules à pouvoir anti-oxydant font partie de cette dernière classe de nutriments, les polyphénols en particulier. De même les effets de la voie d’administration des aliments ou des nutriments, orale, entérale ou parentérale, peuvent être étudiés sur des modèles expérimentaux, qu’il s’agisse d’effets physiologiques ou des éventuels effets secondaires. Pour que la population générale et les patients puissent bénéficier des découvertes de la recherche expérimentale, il est nécessaire d’évaluer leur possibilité de transfert chez l’Homme : c’est le rôle de la recherche clinique. La recherche clinique est indispensable pour démontrer l’efficacité et évaluer la tolérance de mesures préventives, de thérapeutiques ou méthodes d’exploration chez l’être humain. Elle peut se dérouler en milieu hospitalier, dans des centres d’investigation ou au sein de la population. La recherche clinique s’adresse à des sujets volontaires, patients porteurs de maladies nutritionnelles ou d’affections à retentissement nutritionnel, ou sujets volontaires sains. Il peut s’agir d’études sur de petits nombres de sujets visant à confirmer chez l’Homme le concept proposé par la recherche fondamentale ou d’études sur de larges groupes dont le but est de valider son utilité et son innocuité. Cette étape est nécessaire avant la diffusion du produit ou des démarches diagnostiques, préventives ou thérapeutiques proposées, sous forme de recommandations nutritionnelles, destinées à la population générale ou à des groupes de sujets particuliers, ou de thérapeutiques nutritionnelles intéressant des populations de patients. La recherche translationnelle a pour but d’établir un continuum entre la recherche expérimentale orientée vers la compréhension et la connaissance des systèmes biologiques et la recherche clinique dont le domaine est la santé de l’être humain. Elle va ainsi du concept à l’élaboration d’un produit ou d’une prise en charge thérapeutique et à son application en clinique humaine. 2. Recherche translationnelle : missions La recherche translationnelle doit en fait être envisagée dans deux sens. •Application à l’homme sain ou patient d’une découverte de laboratoire. Il peut s’agir d’une recherche portant sur un produit, un médicament ou un nutriment d’intérêt diagnostique, préventif ou thérapeutique. La recherche translationnelle va alors du concept scientifique à sa validation chez l’Homme : élaboration d’un produit à partir du concept, vérification de son efficacité dans des modèles expérimentaux puis au cours d’études métaboliques chez l’Homme, démonstration de son utilité et évaluation de sa tolérance sur de plus larges populations. •L’observation médicale identifie une question clinique que la recherche cognitive doit résoudre. Ce peut être la définition de marqueurs de sous populations à risque de résistance ou d’intolérance à un traitement, ou la mise en évidence de caractéristiques biologiques permettant de guider le diagnostic ou la décision thérapeutique. Un exemple de ce type de démarche est le suivant : les médecins ont constaté que l’administration de vitamine D peut avoir des effets musculaires variables selon les individus et ont questionné les chercheurs impliqués en recherche expérimentale sur les raisons de cette variabilité. Ces derniers ont pu montré que celle-ci était dépendant du polymorphisme génétiques des récepteurs membranaires de la vitamine D. •Un troisième aspect de la recherche translationnelle est l’« ingénierie inverse » ou « reverse engineering ». Celle-ci consiste en l’élaboration d’un produit industriel à partir d’une découverte de laboratoire dont l’intérêt clinique aura été confirmé. Cette recherche et le développement qui s’en suit, pharmaceutique ou technologique, s’effectuent dans des laboratoires académiques ou d’industries privées. » La recherche translationnelle constitue une nouvelle manière de considérer la recherche médicale, orientée vers le bénéfice pour la population en générale et le patient en particulier : « il est de la responsabilité des personnes impliquées dans la recherche biomédicale de transformer les innovations scientifiques acquises en un bénéfice pour la santé des citoyens » (Zerhouni EA, 2005). La recherche translationnelle apparaît ainsi comme un devoir de santé publique. A ce titre elle apparaît appelée à drainer de manière préférentielle les crédits de recherche. Selon un Editorial de Nature Medicine (Horig H, 2005) : la recherche translationnelle représente le «nouveau visage de la biomédecine» : combler cette lacune existant entre la recherche fondamentale et l’application, telle est la tâche de la recherche translationnelle. 2. Recherche translationnelle : développement On observe depuis quelques années un développement majeur de cette recherche outre-atlantique et dans certains pays européens, avec la création de centres de recherche translationnelle, objets de lourds investissements. Le nombre de publications dans le domaine de la recherche translationnelle augmente de manière quasiment exponentielle. Aux Etats-Unis, on observe un investissement majeur dans ce domaine. L'appui massif du NIH pour le développement de la recherche translationnelle s'inscrit dans une tendance généralisée de développement de la recherche translationnelle académique avec notamment la création d’un Clinical and Translational Science Awards Consortium. En Europe, la décision du Parlement Européen du 18 décembre 2006 relative au 7ème programme-cadre de la Communauté Européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) a inscrit la recherche translationnelle au service de la santé humaine parmi ses trois axes prioritaires. En France, il n’existe pas actuellement de structures dédiées telles qu’elles apparaissent dans d’autres pays développés, intégrant les intervenants des différentes phases de la recherche translationnelle. L’Inserm, l’Inra, les CHU, les Universités et l’industrie, au travers de l’apparition des Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC, 1992), des Centres de Recherche en Nutrition Humaine (1992 pour le plus ancien d’entre eux, le CRNH Auvergne) et des Centres d’Investigation Clinique (1994) ont favorisé l’émergence de protocoles de recherche translationnelle. Les Centres de Recherche en Nutrition Humaine ont l’avantage d’avoir à la fois, parmi les institutions qui les constituent, des organismes de recherche et les établissements de soins ce qui leur permet de décliner les différentes phases de la recherche translationnelle. L’Auvergne réunit de réelles forces impliquées dans le continuum de la recherche translationnelle : recherche cognitive reconnue dans le domaine de la nutrition, industrie agro-alimentaire, Cluster d’excellence Auvergne NUTRAVITA, industriels du médicament, structures d’investigation animale et clinique, CHU, centre anti-cancéreux. Le rapprochement de ces forces au travers de projets financés par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), les PHRC , ou dans le cadre du Cluster d’Excellence Auvergne Nutravita notamment constitue une source d’émulation, de créativité, de productivité et de cohésion pour la recherche en Nutrition en région. 4. Conclusion Dans le domaine de la santé la recherche a une mission de service publique : la recherche cognitive doit pouvoir être déclinée et avoir à terme un objectif de bénéfice pour la population. Ainsi la recherche translationnelle dont le rôle est de faire le lien avec l’évaluation clinique connaît un remarquable développement, tant en ce qui concerne les appels d’offre que les programmes de recherche nationaux et européens et l’émergence de centres qui lui sont dédiés. La structure du CRNH Auvergne qui associe des laboratoires de recherche, une plate-forme d’exploration en nutrition capable de mener à bien les études métaboliques et nutritionnelles, et des établissements hospitaliers, CHU et Centre Jean Perrin, le rend particulièrement adapté
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