L'odorat dans tous les sens ! Interview dans l'émission "Grand bien vous fasse" sur France Inter

Scientifique interviewé dans l'émission de radio "Grand bien vous fasse !" sur France Inter.

Французский. Décryptons les odeur. Bonnes ou mauvaises, elles accompagnent notre quotidien et nos souvenirs. Comment influencent-elles nos humeurs et nos comportements ? Comment stimulent-elles nos autres sens ? Comment le parfum, au-delà de l'olfaction, devient une partie de soit ? Avec Mathilde Laurent Créatrice de parfums chez Cartier Qu'est-ce qu'une odeur ? Se définit-elle comme opposition au parfum ? Ou est-ce finalement très personnel ? Très certainement mais a priori une voiture neuve sentira bon, l'odeur des croissants est l'amie du petit déjeuner, celle des avions rassure et celui-là, je ne peux pas le sentir ! Par ici "ça sent la fraude fiscale", parfois ça sent la fin, et bien des fans de grunge savent que ça sent le parfum d'ado*. Les odeurs nous entourent, jusque dans les expressions, même la pluie a une odeur. Sans suspens et sans surprise, les odeurs ne sont pas seulement affaire de chimie mais également d'imaginaire et d'histoires entendues, de sensations, voire de sensibilité. Ça sent bon, sinon ça sent mauvais ? "Un parfum ne s'adresse pas qu'à l'olfaction." Pour Mathilde Laurent, il rend compte et dépend de tous les sens et du parcours dans le cerveau des sensations perçues. Le sens de l'olfaction est essentiel à notre quotidien et accompagne nombre de gestes et de moments de la vie. Par exemple l'odorat fait partie du goût, la perte d'odorat lors d'un coup de froid s'accompagne pour beaucoup d'une perte de goût alimentaire. Un parfum, une odeur rappellera une personne, un lieu. Chargé de douleur, l'odeur tombera du côté du mauvais voire de l'insupportable, elle sera souvent accompagnée de "ça me rappelle" tel lieu, tels moments. Porteuse de bons souvenirs, avec des personnes ou lors de moments plaisants, l'odeur deviendra un parfum d'enfance ou tout simplement une bonne odeur, en opposition à la mauvaise. Selon l'individu la perception à l'odeur est différente Ainsi chacun qualifie l'odeur de la fleur d'oranger bonne ou mauvaise selon ses goûts, pourtant ce qui caractérise la fleur d'oranger, poussé à son maximum, porte une fort mauvaise odeur pour la majorité des humains. Autre expérience olfactive avec l'androsténone qui quant à elle ne sera pas perçue chez 30% des individus, elle portera pour un autre tiers une odeur animale, et sentira la rose pour le tiers restant. Un flacon, trois ambiances. Lors de la création d'un parfum, les séances de tests se font à l'aveugle et sans s'exprimer car dès la moindre parole "on ruine l'imaginaire de chacun", chaque perception est bonne. "Le silence est indispensable à l'olfaction" pour la créatrice de parfum Mathilde Laurent. Pour la maison Cartier, l'idée de sensations personnelles est devenue essentielle : les parfums n'y sont plus masculins ou féminins depuis une vingtaine d'année, chacun.e y trouve son propre ressenti sans préalable imposé. Pour elle le parfum est "une beauté qui accompagne le quotidien (...), qu'on aspire par son souffle vital". Il n'y a donc pas de mauvaise odeur mais de bonnes raisons personnelles de le penser. L'odeur du gaz, jugée mauvaise est avant tout une alerte de fuite de gaz. La mauvaise odeur n'existe pas, le souvenir, la prudence, la culture forgent les imaginaires qui entourent les odeurs et finissent pas les définir et les opposer. Le héro du livre Le Parfum de Patrick Süskind recherche lui un parfum absolu, le rendant aimé de toutes et tous, absolument agréable, universellement beau et irrésistiblement irrésistible, celle dont on ne peut se passer. L'odeur originelle et finale, celle du début et de la fin. L'imaginaire de la séduction ultime associé à l'odeur est pour lui la seule finalité. Les lecteurs y découvriront une histoire mêlé de folie douce, de moins en moins douce, de cette quête absolue. Ce parfum effacerait-il toutes les autres senteurs ? Sans dévoiler la fin, l'odeur ultime et unique ne peut-être que chaotique. Diabolique. L'imaginaire des odeurs est affaire de nuances, d'histoires perçues et de parcours de vie ; le ressenti unique n'existe a priori pas. L'olfaction et les odeurs auraient néanmoins un élément universel : de récentes recherches se penchent sur l'absence d'odeurs déclarée par les personnes en début de la maladie d'Alzheimer. L'absence d'olfaction réunirait ici tout un chacun en devenant une possible alerte rendant toute odeur bienvenue, bonne ou mauvaise. Invités : Maïté Turonnet est journaliste, spécialiste du parfum, neuf fois lauréate du prix Jasmin qui récompense chaque année le meilleur article consacré aux parfums, autrice de Pot-Pourri, aux éditions Nez. Loïc Briand est biochimiste, chef d’équipe Centre des Sciences du Goût et de l'Alimentation à l’Université de Bourgogne, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Spécialiste en biologie moléculaire et cellulaire, il travaille au Centre des sciences du goût et de l’alimentation à Dijon où il étudie les récepteurs du goût et des protéines végétales sucrées. Loïc Briand est l'auteur Le goût, une affaire de nez ? aux éditions Quae. Martin Jaccard est évaluateur olfactif, fondateur du Journal d’un Anosmique Mathilde Laurent est parfumeuse, créatrice des parfums de la maison Cartier, autrice de Sentir les sens aux éditions Nez. * ça sent le parfum d'ado in "Smells like teen spirit" de Nirvana (1991) ça sent la fraude fiscale in Tenue de Soirée (1985)